En 1923, la commune d'Eguzon reçoit sa commande de monument aux morts de la Grande Guerre : une sculpture en pierre calcaire réalisée par Ernest Nivet.
L'artiste, né en 1871 à Levroux, a vécu sa vie à Châteauroux jusqu'à sa mort en 1948.
Après un apprentissage de taille de pierre puis des cours de dessin à l'école des Beaux-Arts de Chateauroux, il part en 1891 à l’Ecole des Beaux Arts de Paris. Il est envoyé chez Auguste Rodin. Pendant 4 ans, il travaille dans son atelier. Il se lie d'amitié avec Camille Claudel, sculpteur et compagne d'auguste Rodin à l'époque.
Au regard du monument aux morts d'Eguzon, l'infuence romantique d'Auguste Rodin et de Camille Claudel est bien visible : le soldat semble se lamenter sur la stèle qui indique les noms des morts et les coups de burin donnent l'impression que la scuplture sort d'un bloc brut.
Le poilu n'est pas érigé sur un socle mais semble avoir gravi les marches, comme pourraient le faire ceux qui ont perdu un proche pendant la guerre.
Ainsi, Ernest Nivet se place du côté des personnes qui pleurent leurs morts et non du côté de l'image patriotique qui montrerait des soldats fiers de faire la guerre.
Le monument aux morts sert à rappeler à la mémoire la disparition des proches des habitants d'une ville ou d'une commune.
Le choix de son emplacement est important afin de toucher un maximum de passants, comme devant l'entrée d'une église ou sur une place qui accueille les fêtes, les marchés...
A Eguzon, devant l'église :
A Saint-Benoit-du-Sault, comme à Saint-Gaultier, le monument est un objet réalisé en série. Il est fabriqué en de multiples exemplaires par moulage de fonte d'acier. Cette technique permet de diminuer le coût de fabrication.
A Eguzon, le monument est une création unique sculptée dans la pierre par Ernest Nivet.
Presque 100 ans après, quelles impressions pouvez-vous ressentir face à ces deux représentations de soldat ?
Ils sont représentés à l'échelle réelle, ce qui permet au regardeur de mieux se projeter à travers eux. Observons de plus près les différences...
Dans les images de gauche, l'homme est en train de courir, dans une position dynamique, soulignée par les obus à ses pieds. Il est surélevé par un socle, ce qui le sépare de la dimension des personnes dans la rue.
Dans les images de droite, le militaire est accoudé sur la stèle, dans une pose nonchalante. Il semble avoir gravi les marches comme pourrait le faire un passant.
A gauche, en pleine course, le militaire semble plein d'énergie : le corps est élancé, le visage est joyeux, tourné vers le ciel. Il semble prêt à repartir en guerre.
A droite, seuls les noms gravés intéressent le soldat. Son visage triste appuyé sur sa main met en évidence sa peine envers ses camarades disparus.
Une image patriotique
D'un côté, le message est clairement souligné, avec le message aux pieds du soldats : "la victoire en chantant". Depuis la défaite de la France face à l'Allemagne durant la guerre de 1870, les écoliers ont l'habitude d'apprendre des chants patriotiques à l'école. Le fait de se sacrifier pour un pays en mourant à la guerre était un principe régulièrement rappelé à l'époque.
Une image romantique et humaniste
Le sculpteur Ernest Nivet, qui a été un élève d'Auguste Rodin, s'inscrit dans le mouvement artistique romantique : le but est de montrer des
sentiments. Comme dans les autres monuments aux morts qu'il a faits dans l'Indre, il met en scène ici un personnage dans lequel le passant peut se projeter.
Imaginons-nous au lendemain de la Grande Guerre... Toutes les personnes que nous cotoyons ont perdu des proches et leurs noms sont inscrits sur une plaque au centre du village. La représentation du soldat rappelle celle des personnes qui se sont recueillies en mémoire de leurs proches. A travers l'expression humaine de la tristesse, Ernest Nivet donne une image humaniste de la guerre.
+ d'infos sur les liens entre Ernest Nivet et le sculpteur romantique Auguste Rodin.
Lien : DANS LE COIN - Des pierres