Les oeuvres présentées ici partagent le même objectif : garder en mémoire des luttes pour la liberté.
Les artistes se sont donc inspirés d'histoires réelles pour les rappeler aux spectateurs.
Ces histoires appartiennent à des personnes qui,
suite à une dénonciation,
ont été torturées et éxécutées
parce qu'elles se battaient pour la liberté.
Ces oeuvres sont donc engagées, car elles donnent un point de vue personnel face à des évènements historiques.
Il dessine en noir et blanc, au fusain (bois carbonisé). Ses représentations sont figuratives et à l'échelle réelle. Il représente des personnes, connues ou inconnues, en relation avec le lieu dans lesquels il les expose.
Un extrait vidéo qui montre la maîtrise parfaite de la technique du dessin réaliste :
http://www.plaisirdimages.fr/Ernest.Pignon.Ernest.Parcours.html
Il reproduit ensuite ses dessins en plusieurs exemplaires grâce à la sérigraphie. Son travail est in situ car il installe ensuite ses reproductions dans des lieux en relation avec les personnages représentés. C'est l'histoire du lieu qui lui donne l'idée de sa création. A la fin, il photographie ses reproductions dans les différents espaces qu'il a choisis. Au travail du dessin s'ajoute ainsi celui du cadrage photographique (choisir l'angle de vue pour souligner le message à donner).
L'oeuvre est autant le dessin collé qui, peu à peu, disparaît, que la photographie finale.
Ernest Pignon-Ernest est un artiste engagé car son travail artistique permet de mettre en évidence sa sensibilité face à des faits réels. Ses oeuvres montrent souvent aux spectateurs des causes injustes dans le monde comme : l’apartheid (1974), l'extermination et la déportation des Communards de Paris (1971), les accidents de travail (1972), les immigrés, entassés dans des caves par des marchands de sommeil (1975), les expulsés (1979), le problème du Sida en Afrique (2002)...
C'est une invitation à participer à une exposition sur le thème d'Alger, en 2003, qui a amené Ernest Pignon-Ernest à travailler sur Maurice Audin.
"Très vite, il m'est apparu que je devais faire quelque chose, bien sûr lié à l'Algérie, mais qui pose la question à la France d'abord. Si, comme je le souhaite, nous voulons renouer avec le peuple algérien, apaiser nos relations, les enrichir, cela ne pourra se faire sur le silence et le mensonge.
Il faudra obtenir que la vérité soit faite sur ce qu'à été réellement cette guerre."
Ernest Pignon-Ernest
Quand il exposes ses oeuvres, il présente la plupart du temps ses dessins à côté des photographies correspondantes.
Ci-contre, l'oeuvre se compose de dessins effectués dans l'atelier et de deux photographies prises in situ. (quand les photos ont été exposées sur les murs dans les rues d'Alger)
La plus grande photographie permet de voir le portrait en pied dessiné de Maurice Audin avec une passante. En dessous, une petite photographie montre l'évolution de l'oeuvre avec le portrait de
Maurice Audin abîmée par un anonyme.
Lien pour voir l'oeuvre "Parcours Maurice Audin" en entier :
Vous remarquerez l'importance des cadrages photographiques mettant en évidence différents points :
- le rapport que les spectateurs entretiennent avec l'oeuvre.
- la situation de certaines personnes dans la rue, dans l'isolement et la solitude.
http://www.pignon-ernest.com/p/audin.html
De 1954 à 1962, la guerre d'Algérie oppose la France, avec le Général de Gaulle, aux Algériens qui veulent l'indépendance de leur pays. L'Algérie était un département français.
"Qui était Maurice Audin ? Un jeune mathématicien algérois, militant de la cause anticolonialiste, communiste ; il luttait pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes."
"En pleine bataille d'Alger, Maurice Audin est arrêté, chez lui, sur dénonciation, le 10 juin 1957, par des parachutistes français chargés de mission de maintien de l'ordre. (...)
Il est mort sous la torture, vraisemblablement le 21 juin 1957. Entre les deux dates du 10 et du 21 juin 1957, un des rares témoins à l'avoir rencontré est Henri Alleg, journaliste, arrêté et torturé lui aussi ; il est l'auteur d'un livre de témoignages sur la torture : « La Question »."
Les autorités politiques et militaires de l'époque ne reconnaissent pas cette arrestation et aujourd'hui encore, officiellement, pour l'état français, Maurice Audin s'est évadé.
"Il n'est pas possible d'accepter que, dans un pays de droit, quelles que soient les circonstances, un citoyen puisse être arrêté, torturé et « évadé » et qu'il soit impossible de retrouver sa trace près de soixante ans après les faits. Le dénouement de l'affaire Dreyfus a montré qu'il était possible de faire reculer le mensonge même lorsqu'il était couvert par les plus hautes autorités politiques et militaires."
Textes entre guillemets de l'association Maurice Audin, créée pour faire reconnaître la vérité :
http://audin.lautre.net/archive/patch5/association.htm
Michèle Audin, grande mathématicienne, est professeur à l'Université de Strasbourg. Elle est la fille de Maurice Audin.
Elle se bat toujours aujourd'hui pour que la France reconnaisse la vérité sur son père. En 2009, elle refuse au Président de la République la Légion d'Honneur parce qu'il n'a pas répondu à la demande de sa mère pour faire admettre la vérité.
Lettre de Michèle Audin adressée au Président de la République pour expliquer son refus de la Légion d'Honneur,
publiée par l'Institut de Recherche Mathématique Avancée (unité de l'Université de Strasbourg et du CNRS, Centre national de la recherche scientifique) :
http://www-irma.u-strasbg.fr/~maudin/President0901.pdf
Le président actuel François Hollande a promis l’ouverture des archives militaires.
http://images.math.cnrs.fr/Francois-Hollande-a-rendu-hommage.html
Plus de 50 ans après, l'histoire reste à suivre...
Strophes pour se souvenir est un poème écrit par Louis Aragon à propos d'une affiche de propagande connue sous le nom de l'Affiche Rouge.
Léo Ferré chante ce poème sous le nom de l'Affiche Rouge.
Comme Parcours Maurice Audin, le poème Strophes pour se
souvenir, écrit par Louis Aragon et chanté par Léo Ferré, rappelle l'histoire de personnes torturées et exécutées pour leur quête de
liberté.
En rouge, extraits du poème de Louis Aragon, Strophes pour se souvenir, du Roman Inachevé, 1955.
"Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant."
Depuis la création du CNR (conseil national de la résistance) en 1942 par Jean Moulin, la résistance est organisée de Londres sous l'autorité du Général De Gaulle.
A Paris, Missak Manouchian, poète français d'origine arménienne, est le chef du réseau MOI (main d’oeuvre immigrée). Ce groupe de résistants est connu parce qu'il est très actif.
C'est suite à une dénonciation que le groupe est arrêté.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le régime nazi organisait son pouvoir en collant des affiches, en distribuant des tracts, en diffusant des films dans les cinémas ou des discours à la radio...
C'est en employant ces moyens que l'occupation allemande orchestra le procès de vingt trois résistants en 1943.
L'affiche qui a inspiré Louis Aragon a été placardée en grand format dans la plupart des villes et des villages de France sous le régime de Vichy et distribuée sous forme de tract.
Le but était de faire une propagande pour manipuler l'opinion publique. (du latin, propaganda, "qui doit être propagée")
La composition de cette image n'est pas faite au hasard :
- la couleur dominante est le rouge, rappelant celle du sang et du communisme.
- les résistants ont été photographiés après avoir été torturés et avant leur exécution. Leurs visages peuvent alors apparaître inquiétants.
"Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants"
- ces résistants sont tous étrangers ou d’origine étrangère. En-dessous de chaque portrait, on peut lire l'origine de chaque personne ainsi que son appartenance au peuple juif, son parti politique, et les actions de résistance qu'elle a fait. Le but est d'alimenter le racisme et l'antisémitisme.
"L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants"
- les portraits s'organisent comme une pyramide inversée pour donner une direction. Au centre, Missak Manouchian, le chef de file, est mis en évidence. Le regard est ensuite orienté vers les photorgaphies montrant les actions anti-nazies.
- les photographies de morts et d'armes, dans la partie inférieure de l'affiche, et l'expression "armée du crime" concistent à faire passer ces résistants pour des criminels.
Notez que Louis Aragon souligne la stratégie de communication de cette affiche.
Document de l'académie de Lille :
Document du Musée de l'Armée :
http://www.invalides.org/images/light-39-45/affiche-rouge-l.pdf
Beaucoup d'anonymes ont vandalisé cette affiche à l'époque. Elle est ensuite devenue l'un des symboles de la résistance, connue sous le nom de "l'Affiche Rouge".
"Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents"
"Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand"
La veille de son exécution, Missak Manouchian écrit une lettre à sa femme Mélinée :
Lien pour lire la lettre :
En 1955, à Paris, dans le XXème arrondissement, une rue portant le nom du «Groupe Manouchian» est inaugurée.
Pour cette occasion, Louis Aragon (1897-1982) rédige le poème Strophes pour se souvenir .
Il s'inspire, en partie, de la dernière lettre écrite par Missak Manouchian à sa femme Mélinée.
Il est publié dans Le roman inachevé en 1956.
Louis Aragon fait partie du mouvement artistique Dada, réunissant des artistes liés contre la guerre.
Le poème Strophes pour se souvenir :
http://www.bacdefrancais.net/strophes.php
En 1961, Léo Ferré (1913-1993) l'a met en musique et l'interprète sous le titre L'Affiche rouge dans l'album Léo Ferré chante Aragon.
Par sa musique, Léo Ferré donne une interprétation personnelle du poème et le rend populaire auprès du grand public.
La chanson L'Affiche rouge :
http://www.youtube.com/watch?v=uhOe-5HU15U
Le poète Paul Eluard (1895-1952) est proche de Louis Aragon parce qu'ils partagent le même dégoût de la guerre au sein du groupe Dada.
Son poème Légion évoque également l'Affiche rouge, dont voici un extrait :
"Si j’ai le droit de dire,
en français aujourd’hui,
Ma peine et mon espoir,
ma colère et ma joie
Si rien ne s’est voilé,
définitivement,
De notre rêve immense
et de notre sagesse
C’est que ces étrangers,
comme on les nomme encore,
Croyaient à la justice"
L'Armée du crime sort au cinéma en 2009. Pour le titre de son film, le cinéaste Robert Guédiguian reprend une expression employée par les nazis pour évoquer les résistants dans l'Affiche rouge. Le film permet de se plonger dans l'atmosphère de l'époque avec tous les riques que prenaient les résistants.
Dans la bande-annonce, remarquez le personnage de Missak Manouchian rappelant l'histoire de son peuple.
Il cite une parole d'Adolphe Hitler :
"qui se souvient aujourd'hui des arméniens ?"
Même s'il n'était pas juif, il était sensible à l'acte de résistance car il avait déjà perdu sa famille dans le génocide arménien au début du XXème siècle...
Bande-annonce et dossiers pédagogiques du Musée National de la Résistance :
http://enseignants.larmeeducrime-lefilm.com/index.php/
Ces oeuvre questionnent l'intérêt de garder en mémoire des évènements.
Le racisme, l'intolérence envers une différence, la torture ou les exécutions font malheuresement toujours partie de l'actualité.
Dans certains pays, des personnent meurent encore aujourd'hui pour la liberté.